HIT THE ROAD de Panah Panahi - Le 18 mai 2022 à 20h30 - Aurore Cinéma Vitré

HIT THE ROAD de Panah Panahi - Le 18 mai 2022 à 20h30 - Aurore Cinéma Vitré

PRÉSENTATION DU FILM ET DÉBAT ANIMÉS PAR LAURENT CAMBON
En partenariat avec l’Aurore Cinéma de Vitré, le film "Hit the road" de Panah Panahi, sorti en avril dernier, est proposé en programmation Art et Essai jusqu’au 24 mai 2022. À l’issue de la projection du mercredi 18 mai, Laurent Cambon critique cinéma sur À Voir à lire, animera un débat.

Hymne à la famille, l’amour et la vie, le premier film de Panah Panahi est une merveille du cinéma iranien.

Iran, de nos jours. Une famille est en route vers une destination secrète. A l’arrière de la voiture, le père arbore un plâtre, mais s’est-il vraiment cassé la jambe ? La mère rit de tout mais ne se retient-elle pas de pleurer ? Leur petit garçon ne cesse de blaguer, de chanter et danser. Tous s’inquiètent du chien malade. Seul le grand frère reste silencieux.

C’est une famille qui fuit. Entre rires, mélancolie, et larmes, les membres de cette drôle de smala traversent les paysages somptueux de l’Iran, à la recherche d’un mystérieux individu, drapé dans un masque en peau de vache. Hit the Road n’a pas grand-chose à voir avec la tradition des road movies. C’est une œuvre profonde et légère à la fois, qui va à la rencontre des peuples de l’Iran populaire, loin de l’environnement urbain et dense auquel le cinéma perse nous a habitués. Le grand frère est assis devant, pendant que le père, étrangement blessé à la jambe, le petit frère et la mère tentent de conjurer la tristesse qui les étreint.

La séquence d’ouverture annonce toute la tonalité de l’œuvre. Pendant que Bach s’invite d’emblée dans le récit, le petit garçon pianote sur les touches noires et blanches qu’il a dessinées sur le plâtre de son père. Puis la caméra élargit sa vision sur des montagnes superbes, qui ressemblent autant à une pâtisserie orientale que des pistaches. Tout le film est ainsi traversé de paysages somptueux qui renforcent la poésie du propos. Et pourtant, on pressent pendant près d’une heure et demie, l’urgence dans laquelle se trouve cette famille. Si le mystère de la fuite finit par percer, on perçoit toute la détresse d’une mère de famille qui doit se séparer à terme de son fils aîné. Pour une fois dans un film iranien, les larmes n’obstruent pas tout le propos. Panah Panahi cultive l’émotion dans ce qu’elle a de plus pur et de subtil. Schubert accompagne le miracle cinématographique, surtout quand l’air de piano s’ébroue de consonances orientales.

Panah Panahi filme la vie. Si son père, Jafar, est célèbre pour son cinéma engagé, le fils emprunte la voix de la poésie et de l’amour pour parler de son pays, l’Iran. Il évoque ainsi l’exil forcé de nombre de ses jeunes qui préfèrent à la solennité du pays une carrière occidentale. Mais le cinéaste ne cède pas au misérabilisme. La famille a des moyens. Elle ne fuit pas la misère de Téhéran ou d’ailleurs. Elle vogue vers une forme de liberté. Seul le petit garçon, écartelé entre le chien malade et son affection pour sa famille, traverse les contrées sèches de l’Ira, au jour le jour, sans se poser de questions.

On ne peut pas parler de ce long métrage sans saluer l’interprétation époustouflante de Pantea Panahiha. Elle incarne une mère qui doit composer entre le désir de liberté de son fils et la peine de le perdre. La comédienne joue avec une incontestable subtilité sur son rapport au voile, et quand elle ne rit pas, s’engage dans une sorte de comédie musicale rythmée par des chansons traditionnelles. Hit the Road est une œuvre immense qui, une fois de plus, magnifie le cinéma iranien.

Laurent Cambon
Critique parue le 28/04/22 sur le site "À Voir à lire"
https://www.avoir-alire.com/hit-the-road-panah-panahi-critique